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La fabrication demeurant le plus souvent traditionnelle, c’est près d’une simple forge dans laquelle les braises sont rougies par un petit soufflet que les bijoux sont travaillés avec art sur une minuscule enclume.

 

L’anthropologue Ali Sayad a animé au Centre d’information et de documentation sur les droits de l’enfant et de la femme (CIDEF) une intéressante conférence ayant pour thème « Orfèvrerie algérienne, l’artisan, le symbole ». Natif d’Ath Yenni, Ali Sayad est un brillant universitaire qui a enseigné à l’université, en France notamment. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages de recherche et de littérature. Il a édité le Premier agenda berbère en 1982, Le bulletin d’études berbères, La Narratrice, La rage dedans. Ali Sayad est l’un des précurseurs à avoir codifié la langue berbère avec le regretté écrivain Mouloud Mammeri. En outre, il a eu l’opportunité de vivre dans les Aurès, le Hoggar et diverses contrées du Sud.

Ainsi, durant plus de deux heures, l’universitaire dévoila à l’assistance composée en majorité de femmes, l’un des pans du bijou kabyle. L’artisan, dira-il, est de toutes les cérémonies. Pour célébrer les naissances, les fiançailles et les mariages, il fabrique des bijoux annonciateurs de richesses fécondes. « Dans la Méditerranée antique, les bijoux portés par les filles de bonne famille étaient exclusivement en argent, symbole entre autres de la blancheur, l’innocence, la pureté, la cherté, la franchise et de la fraîcheur ». Le conférencier rappelle que l’or était destiné à être frappé en monnaie, car il était le symbole du commerce. Les filles « monnayables » affichaient leur statut social de semi-mondaines, de courtisanes, en portant des colliers de pièces d’or.

La Kabylie, soutient Ali Sayad, est la région de l’Afrique du Nord la plus féconde en bijoux. La réputation des bijoux kabyles est incontestablement la résultante de la production des orfèvres installés dans six villages à Aït Yenni. Aujourd’hui encore, les Aït Yenni signent des œuvres séculaires. L’universitaire est convaincu que l’originalité et le renom des bijoux kabyles résident avant tout dans la présence d’émaux de couleurs bleue, verte et jaune dont la douceur des tons rehausse l’éclat des sertissures de corail. Les bijoux en argent reçoivent les émaux dans un cloisonnement filigrané. Le filigrane, explique le conférencier, est la technique qui consiste à faire passer un fil d’argent dans des trous de diamètre étroit jusqu’à le réduire à l’épaisseur d’un cheveu.

« En composant au moyen de ces fils les motifs les plus variés, les agençant par brassage soit entre eux, soit sur une plaque ou une pièce de monnaie en argent, l’artisan vise à obtenir les assemblages les plus esthétiques, passant de la simplicité de la première forme à la maturité du style ». La répétition des gestes, les formes et les figures géométriques représentées créent, ainsi, une unité stylistique kabyle qui ne reproduit jamais des modèles stéréotypés. Le bijou, précise Ali Sayad, à l’instar de tous les objets d’art, restitue par un style et un langage particuliers la mémoire d’un savoir-faire, d’un cumul de connaissances et de techniques.

« Il reflète un idéal de pensées et de sentiments, l’empreinte de la vie émotionnelle et spirituelle, gravés dans le répertoire des formes et des lignes, près des chroniques, des contes et des poésies orales qui créent la mémoire d’un peuple ». La conférence a été suivie par la démonstration d’une ancienne collection de bijoux berbères. Ali Sayad s’est lancé dans l’explication de certaines pièces de ces chefs-d’œuvre. On apprendra que le bijou, complément indispensable du costume, joue un rôle essentiel dans la vie sociale féminine, surtout chez la jeune mariée, dont le trousseau peut renfermer jusqu’à plusieurs coffres de bijoux diversifiés. A la quantité s’ajoute la diversité. Quand une femme donne naissance à un garçon, elle porte un genre de broche au haut de la tête, façon singulière d’en informer son entourage.

Afin que l’enfant soit riche, le bijou est fait sur une pièce d’argent. Le vert, le bleu et le jaune sont les trois couleurs redondantes dans la fabrication du bijou. Ces couleurs reflètent les trois saisons du Nil, en l’occurence les inondations (bleu), les semailles (vert) et les récoltes (jaune). Les petites étoiles qui sertissent tous les bijoux représentent le nombre d’enfants qu’aura la future maman. Les boucles d’oreilles se portent à différents niveaux de l’oreille, d’où les différents types. Elles portent presque toujours les bijoux par paire. Quant aux colliers, ils sont d’une grande beauté, très chargés, ils recouvrent toute la poitrine.

 

Par Nacima Chabani

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